SPOILER : ça ne finit pas trop mal… En tout cas, ça aurait pu être bien pire.
Je décolle vers 12h30 de Chamonix. La journée commence tard mais est annoncée pas mal, avec très peu de vent météo, juste un léger fond de nord qui devrait atténuer la stabilité des jours précédents. Les thermiques ne sont pas annoncés très forts.
Je pars en direction du lac d’Émosson, en Suisse, et je reviens par le Buet - une jolie ligne qu’on ne peut faire qu’avec de bons plafonds, car il faut survoler la réserve à plus de 300 m AGL. Les thermiques sont effectivement agréables : ni trop forts ni trop turbulents, rien à voir avec les jours précédents où ça tartait sévère.
Je transite ensuite dans les Fiz, puis les Aravis, et décide de rentrer par la crête de l’Alpette (Rochebrune, entre Megève et Praz-sur-Arly) pour retrouver les faces NW de Cham et finir au-dessus des glaciers, où les plafs du soir sont annoncés assez généreux, et où des copains sont censés voler en fin de journée.
Arrivé au-dessus de cette crête, je ne trouve pas directement le thermique salvateur. Je dois alors faire un choix :
Soit je pars en face nord, au vent, où je ne trouverai probablement pas de thermique et où l'apuis dynamique sera insuffisant,
Soit je me jette en sud, sous le vent, en espérant ressortir en thermique.
Je choisis la seconde option : première erreur. J’aurais dû accepter que mon vol était terminé et aller poser tranquillement à Megève.
Je suis déjà passé plusieurs fois par là, et d’habitude ce passage sous le vent est gérable. Mais aujourd’hui, la brise est amplifiée par le fond de nord, et c’est vraiment inconfortable. Je ne trouve pas le thermique espéré et me laisse décaler dans la combe jusqu’à retrouver un appui thermo-dynamique, au vent, sur la crête suivante. Je reprends environ 200 m, donc j’essaie de continuer.
J’ai déjà repéré un champ carré d’environ 150 m de côté pour me vacher. Il y en a d’autres, plus grands, mais sûrement inaccessibles car il faudrait que je remonte au vent, et une ligne haute tension me barre la route.
Après quelques minutes de bataille, je me rends à l’évidence : mon vol est terminé. Je décide d’aller me poser dans ce champ. Je fais ma perte d’altitude et me rends compte que la masse d’air est assez turbulente. Je reste très attentif pour garder la voile ouverte.
Je continue à descendre et sens un important gradient en me rapprochant du sol. Je prends alors une abatée que je temporise immédiatement, mais ma voile n’a plus du tout de vitesse et je vois l’herbe approcher très très vite, je pose dans le rappel pendulaire.
Je n’ai pas le temps de sortir les jambes du cocon, et je pose violemment sur le cul. Je sens immédiatement un "crac" dans le bas du dos, suivi d’une douleur atroce qui monte.
Je suis tout seul dans le champ. Premier réflexe : j’essaie de bouger les jambes - ça fonctionne. Oppressé par la chaleur, j’arrive à sortir de ma sellette et de ma doudoune (ce qui n’était clairement pas la meilleure idée).
J’attrape mon téléphone sur mon cockpit et appelle les secours. Les pompiers arriveront en 10-15 min et m’emmèneront à l’hôpital de Sallanches probablement le pire trajet en bagnole de ma vie, puisqu’ils n’avaient pas le droit de me donner d’antidouleur.
Bilan : plusieurs fractures sur la vertèbre L2, mais la moelle épinière n’est pas touchée, et aucune lésion neurologique. Comme ce n'est pas une fracture bien nette, je suis transféré à Annecy pour être opéré dimanche soir, au service de neurochirurgie.
J’ai subi une cimentoplastie de L2, avec des tiges la reliant à L1 et L3.
Je n’ai pas de corset, je remarche depuis lundi midi, et je suis rentré à la maison mardi soir.
Il va maintenant falloir bosser la patience et être sérieux sur la rééducation, qui débutera dans un mois.
Pour conclure, une petite liste des erreurs commises :
1/ Sous-estimation de la brise, qui n'est généralement pas trop forte dans cette vallée, mais amplifiée ce jour-là par le vent météo. Même dans un coin bien connu, on peut se faire surprendre par l’aérologie.
2/ Trop d’entêtement à vouloir gratter pour tenter un lowsave. J’aurais dû décider plus tôt d’aller me vacher. Cela m’aurait permis de choisir un terrain plus grand et mieux dégagé, donc potentiellement moins turbulent.

3/ Ne pas avoir sorti les jambes du cocon suffisamment tôt, ce que je fais pourtant d'habitude mais je devais être trop concentré sur le pilotage. J’aurais ainsi pu amortir un peu le choc avec les jambes, et peut-être éviter de fracturer la vertèbre.
Et pour finir, un dernier conseil :
Toujours avoir son téléphone à portée de main en vol, pour pouvoir appeler facilement les secours.
D’ailleurs, j’ai découvert qu’en appelant le 112, on est directement géolocalisé.
Edit : je rajoute la trace
https://syride.com/fr/pilotes/RobinC/3103381